vendredi 7 septembre 2012

ISF, taxes, impôt sur le revenu : ce que prépare le gouvernement

En 2013, les riches paieront. Et ils paieront à peu près comme l'avait annoncé François Hollande durant la campagne présidentielle: par le biais d'une contribution de 75 % s'appliquant sur la part des revenus annuels supérieure à 1 million d'euros.

 
Certes, il ne s'agit pas d'une nouvelle tranche d'imposition qui viendrait alors s'ajouter au barème de l'impôt sur le revenu. Ce sera une "contribution" dont le gouvernement se réserve le soin, jusqu'au dernier moment, d'ajuster l'assiette, en intégrant certains revenus mais en en excluant d'autres. Et pour tenter de rassurer ceux qui auraient des velléités de se délocaliser, il prend aussi soin de qualifier la nouvelle taxe de "temporaire".
Sur le taux de 75 %, en revanche, le gouvernement se veut inflexible. En retrait par rapport à ses promesses de campagne sur le blocage des prix de l'essence, M. Hollande ne veut pas donner l'impression d'avoir la main qui tremble sur cet aspect de ses engagements: parce que le pays est en crise, parce qu'il se veut le chantre du "redressement", il estime que les plus hauts revenus devront payer, plus que les autres.


"CONTRIBUTION PATRIOTIQUE"
Il en va, selon lui, de la morale et de la cohésion sociale. "C'est quelque chose d'exceptionnel, une forme de contribution patriotique au redressement des comptes publics", fait-on valoir à Matignon, alors que les arbitrages fiscaux sur le projet de budget pour 2013 seront rendus d'ici à la fin du mois.
Quelque 2 000 contribuables pourraient être concernés. La durée de la nouvelle taxe n'est pas définitivement arrêtée, mais elle devrait être sensiblement inférieure à celle du quinquennat.
Le Conseil constitutionnel a mis en garde, au mois d'août, le gouvernement contre les risques d'une fiscalité confiscatoire. Des études sont donc en cours pour déterminer s'il faudra ou non instituer un plafonnement global de tous les impôts en fonction des revenus: une sorte de bouclier fiscal qui ne dirait pas son nom.


EVITER LE RISQUE D'INCONSTITUTIONNALITÉ
Mais, "si on peut se passer [de ce bouclier], on s'en passera", fait-on énergiquement valoir à Bercy, où l'on procède en ce moment à toutes sortes de simulations pour éviter le risque d'inconstitutionnalité. Des simulations qui intègrent aussi l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui doit également être réformé dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Selon Les Echos du 24 août, Bercy plancherait sur une option qui verrait disparaître le classique barème de l'ISF (plusieurs tranches suivant le niveau de patrimoine et des taux allant de 0,5 % à 1,8 %) au profit "d'une imposition moyenne de 0,8 % par exemple" moins douloureuse pour les plus fortunés... et qui permettrait d'échapper à la nécessité d'instaurer un plafond.
Parallèlement, l'exécutif voudrait raccommoder l'assiette de l'ISF, particulièrement trouée par de nombreuses niches qui en réduisent le rendement. Le gouvernement aurait dans sa ligne de mire l'ISF-PME – qui permet aux ménages qui investissent dans des entreprises de réduire leur facture d'ISF – et la question de l'avenir de l'exonération des biens professionnels serait "en débat".


PLAFONNEMENT DES NICHES FISCALES
Si le gouvernement veut respecter l'engagement de campagne de M. Hollande de revenir sur les allégements d'ISF consentis par la droite, il ne veut pas pour autant apparaître comme "anti-entreprises". L'équation n'est donc pas simple à résoudre. "Plusieurs pistes de travail existent et aucune n'a été arbitrée", précise-t-on prudemment à Bercy.
En sus de la contribution de 75 % et de la réforme de l'ISF, d'autres mesures viendront frapper les hauts revenus. Le gouvernement va aussi instituer, comme M. Hollande l'avait annoncé durant la campagne, une nouvelle tranche d'impôt marginale à 45 % qui touchera les revenus supérieurs à 150 000euros. Et il va continuer de plafonner les niches fiscales, comme avait commencé à le faire le précédent gouvernement.
Le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, a précisé, jeudi 23 août sur BFM-TV, qu'il proposera "un plafonnement global à 10 000euros au total par an et par foyer fiscal". Cela signifie que les personnes inscrites sur une même déclaration de revenus ne pourront bénéficier de déductions, abattements, réductions ou crédits d'impôt cumulés supérieurs à 10 000euros chaque année.
Ce plafonnement global concernera aussi les emplois à domicile qui, contrairement à ce qu'avait évoqué M. Hollande pendant la campagne, ne feront pas l'objet d'une réforme spécifique. Il pourrait rapporter 300 millions d'euros.


ABAISSEMENT DU QUOTIENT FAMILIAL
M.Cahuzac a aussi confirmé que le projet de budget comprendra un abaissement du plafond du quotient familial, de 2 336 euros actuellement par an et par demi-part à 2 000 euros. Il a assuré qu'il s'agira d'un "effort supportable", consenti par "les ménages les plus aisés".
Selon l'Institut Montaigne, qui a chiffré l'impact de cet abaissement du quotient familial, la perte moyenne pour les foyers concernés – ils seraient un peu moins d'un million – serait de 450 euros par an (40 euros par mois). Le gain pour l'Etat serait de l'ordre de 400 à 450 millions d'euros par an, selon M.Cahuzac, à comparer à l'enveloppe globale consacrée au quotient familial qui s'élève, selon lui, de 12 à 14 milliards d'euros.
Dans sa présentation, le gouvernement veut démontrer que les riches seront les seuls à payer le prix du redressement. Mais la réalité est un peu différente. Certes, il a renoncé à une hausse uniforme de la contribution sociale généralisée (CSG) dans le cadre du projet de budget pour 2013 comme dans celui de Sécurité sociale. Le chantier a été décalé d'un an, pour donner le temps aux partenaires sociaux de trouver un accord sur le financement de la protection sociale. Et si une hausse devait intervenir, elle serait compensée par une baisse des charges sociales. Autrement dit, la CSG ne doit pas servir, dans l'esprit du gouvernement, à combler les trous, mais à réduire le coût du travail.


FAIRE PAYER LES RICHES NE SUFFIT PAS
Mais il faut trouver quelque 30 milliards d'euros d'impôts nouveaux et d'économies budgétaires pour ramener le déficit à 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013. Et faire payer les riches ne suffit pas.
Le gouvernement doit trouver d'autres recettes, notamment du côté de la fiscalité de l'épargne, dont la hausse ne concernera pas seulement les hauts revenus mais aussi les moyens. L'idée est de mettre en œuvre dans le prochain budget ce que M. Hollande avait annoncé pendant la campagne dans le cadre de sa réforme fiscale: l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, qui est actuellement un peu plus élevée.
Théoriquement, cela devrait se traduire par une mesure simple: la suppression du prélèvement libératoire et l'imposition au barème de l'impôt de tous les revenus du capital. Mais, en fiscalité, rien n'est jamais simple.
Car l'exécutif veut aussi favoriser l'épargne longue par rapport à la courte. Il pourrait donc maintenir le système du prélèvement libératoire et moduler les taux d'imposition en fonction des différents produits d'épargne et de leur durée. Les contrats d'assurance-vie devraient être concernés par cette réforme, conformément aux récentes préconisations de la Cour des comptes.


ATONIE DE LA CROISSANCE
Même si ses contours sont désormais largement dessinés, le projet de budget est encore loin d'être bouclé. L'atonie de la croissance complique sérieusement l'équation du gouvernement. Bercy prévoit 1,2 % de croissance pour 2013, alors que la plupart des économistes, beaucoup plus pessimistes, misent sur 0,5 %.
Pour ne pas être accusé d'irresponsabilité, le gouvernement devrait se résoudre à un léger ajustement et ramener sa prévision aux alentours de 1 %, ce qui aura pour effet de durcir l'équation budgétaire: un dixième de PIB en moins que le 1,2 % attendu l'an prochain, c'est 1 milliard d'euros de recettes et d'économies en plus qu'il devra trouver.


La copie sera dévoilée au conseil des ministres le 26 septembre, sous l'œil attentif des partenaires européens et des agences de notation.

http://lc-finance.fr/nouvelles/index.php?nouvelle=ISF,-taxes,-impôt-sur-le-revenu-:-ce-que-prépare-le-gouvernement--0000028

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